Inexécution d’une vente et évaluation du préjudice : toute la perte de marge brute !

Civil - Responsabilité
09/03/2022
Même si les preuves du préjudice subi sont insuffisantes, l’indemnisation de la victime doit demeurer intégrale et non forfaitaire.
Un fabricant de tissus accepte de céder 90 machines d’occasion à une société spécialisée dans la vente de métiers à tisser qui en revend immédiatement une partie à une autre société. Ces machines n’ayant jamais été livrées, l’acquéreur est assigné par le sous-acquéreur en résolution de la vente et paiement de dommages et intérêts ; il appelle alors le vendeur en garantie.
 
Le vendeur est jugé responsable des préjudices causés au sous-acquéreur et condamné in solidum avec le premier acquéreur à lui payer la somme de 1 375 665,15 euros en indemnisation de ses préjudices résultant de la non-exécution de la vente, dont 200 000 euros au titre de la perte de marge et d’exploitation. Le vendeur et le sous-acquéreur se pourvoient en cassation. Le premier conteste sa responsabilité, le second le montant forfaitaire de l’indemnisation de la perte de marge brute retenu par la cour d’appel, qui a, selon eux, violé l’article 1382, devenu 1240, du Code civil.
 
L’arrêt est censuré au visa de l'article 1382 précité et du principe de réparation intégrale du préjudice : « La réparation du dommage doit correspondre au préjudice subi et ne peut être appréciée de manière forfaitaire ».
 
Pour évaluer le préjudice lié à la perte de marge et d'exploitation subie, l'arrêt avait rappelé que ce poste de préjudice devait être calculé sur la base du profit de l'activité après imputation des coûts de production. Selon elle, la perte de marge n’était pas contestable mais le sous-acquéreur n’avait fourni aucune justification du profit annuel allégué, ni des gains réalisés, et ne versait aux débats ni les comptes de résultat d'exercices antérieurs dans une unité de production similaire, ni aucun élément concret tel que le chiffre d'affaires réalisé.
 
En statuant ainsi, alors que cette somme procédait d'une évaluation forfaitaire du montant du préjudice du sous-acquéreur du chef de la perte d'exploitation et de marge subie, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
 
À noter : Le montant de l'indemnisation relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Mais la Cour de cassation censure systématiquement les décisions octroyant ouvertement une réparation forfaitaire (Cass. 2e civ., 20 nov. 2014, no 13-21.250 ; Cass. 2e civ., 13 juin 2019, no 18-17.571 ; Cass. com., 12 févr. 2020, no 17-31.614).
 
Voir Le Lamy Droit du contrat, n° 2447 et Le Lamy Droit de la responsabilité, nos 296-116 et 296-124.
 
Source : Actualités du droit